Le transport maritime en Afrique et la crise

Le marché africain du transport maritime a le vent en poupe : relativement épargné par la crise actuelle, il mobilise les investisseurs. Les grands opérateurs restent à l’affût des opportunités, tandis que les lignes commerciales se redessinent et que les escales se déplacent… C’est un indicateur des perspectives de développement que présentent  les économies africaines.

LE MARCHE DU TRANSPORT MARITIME EN AFRIQUE RESISTE BIEN A LA CRISE : 

1/ Des infrastructures nouvelles voient le jour

 Malgré la persistance d’installations souvent désuètes et sous-dimensionnées, 2009 n’a pas été une année sinistrée pour les ports africains, où l’on note même plusieurs évolutions favorables : ouverture de deux nouveaux ports à grande capacité avec le terminal de Ngura à Port Elisabeth en Afrique du Sud (par le sud-africain TRANSNET) et le port de Doraleh à Djibouti (par DB World, Dubaï). A eux seuls, ces 2 opérateurs ont investi 1.5 Milliards de US$ dans ces 2 créations portuaires. D’autres projets de création ou de modernisation subissent, certes, quelques atermoiements, mais débouchent ou gardent le soutien de leurs financeurs (Banque Mondiale et BAD) : Kenya, Tunisie, Algérie, Sao Tomé, Abidjan, Pointe Noire, Dakar, Luanda…

2/ La situation est toutefois contrastée selon les régions

La situation est toutefois contrastée selon les régions

    En Afrique occidentale, entre Dakar (460 000 EVP, « Equivalents Vingt Pieds » c.a.d. container 20 pieds) et Luanda (566 000 EVP), les ports ont été protégés des courants contraires qui ont frappé l’industrie maritime, en raison du maintien d’un niveau correct des exportations des sous-régions (pétrole, minerais, café, coton) et de leurs importations (biens de consommation, matières premières agricoles). Un exemple : le port d’Abidjan (648 000 EVP) a connu une croissance de 8.8% par rapport à 2008. D’autres ports (Douala, 270 000 EVP) ont également affiché des volumes à la hausse.

    A l’inverse, l’Afrique australe, touchée plus sévèrement par la crise,  a connu une chute de ses exportations (baisse des commandes des pays occidentaux) et de ses importations (chute du pouvoir d’achat intérieur). Un indicateur : Port Louis (Ile Maurice, 335 000 EVP) en recul de 11% par rapport à 2008.

     Même tendance, même motifs en Afrique du Nord, où la baisse d’activité portuaire est sensible en 2009 (Maroc : 5.9% de fléchissement).

ON ASSISTE A L' EMERGENCE DE NOUVELLES TENDANCES STRATEGIQUES :

Au-delà des difficultés conjoncturelles, plusieurs forces profondes sont en voie de modifier les équilibres actuels et d’entraîner la mutation du transport maritime africain.

On en compte au moins 4 : 

1/ Le poids économique croissant du NIGERIA, « qui absorbe beaucoup d’investissement d’infrastructures du fait de son marché intérieur et de son dynamisme économique » selon Dominique LAFONT, Directeur général de Bolloré Africa Logistics, dont le commentaire est identique sur l’Ethiopie, autre grand pôle économique appelé à un fort développement. 

2/ La croissance considérable des échanges entre Afrique et Asie, qui provoque la naissance de routes maritimes directes entre les deux continents via la pointe australe de l’Afrique. Exemples : les routes des deux géants chinois COSCO et CHINA SHIPPING et celles du singapourien PACIFIC INTERNATIONAL LINES.  

3/ La baisse d’activité du canal de SUEZ, dont le trafic s’est effondré de 20% en 2009. Elle s’explique par le croisement de 2 phénomènes : la peur de la piraterie qui sévit sur les côtes somaliennes (qui frappe surtout les pétroliers) et le surcoût relativement modéré du contournement par le sud. Les économies sur le péage du canal et sur les surtaxes considérables des assurances, ainsi que la baisse des cours du pétrole et des taux de fret compensent, en effet, les surplus de salaire à verser aux équipages.

   De surcroît, la multiplication des programmes d’investissement en Afrique australe (Nigeria, Maurice, Maputo (Mozambique), Wallis Bay (Namibie) et Pointe Noire) va conforter ce phénomène de perte d’attractivité du Canal de Suez.

4/ L’apparition d’un axe Afrique / Amérique du Sud, enfin, ébauche des perspectives très favorables pour le port de Dakar (460 000 EVP, ouverture du Port du Futur en 2012 par DP WORLD, Dubaï), dont la position stratégique face aux Etats-Unis et au Brésil est évidente. Moteur de cette émergence : l’implication grandissante du Brésil en Afrique via les secteurs agro-industriels et extractifs. Deux opérateurs au moins développent actuellement ces lignes directes entre les deux continents : CMA CGM (France, 1 ligne Amérique-Sénégal-Méditerranée) et GRIMALDI LINES (Italie, 2 lignes Amérique-Angola et Amérique-Sénégal) 

MAIS BEAUCOUP D’OPERATEURS NE S’INTERESSENT TOUJOURS PAS A L’AFRIQUE SUBSAHARIENNE ENCLAVEE :

 1/ Selon un cabinet d’expertise maritime ( ?), la raison en est que cette région n’est pas située sur une grande ligne maritime et ne peut justifier d’un grand port de transbordement de type DUBAI ou HONG KONG. « L’Afrique subsaharienne n’intéresse pour l’instant que les acteurs capables d’associer logistique terrestre et maritime ».La société CAP AFRIQUE démontre depuis 10 ans qu’elle est l’un de ces acteurs. 

2/ Au sud du Sahara, où une grande partie des conteneurs retournent à vide, l’enjeu majeur est le remplissage des bateaux. CGA CGM (France, N° 3 mondial) l’a compris en s’associant à Bolloré Africa Logistics, qui règne sur le transport terrestre de la région. Puis elle s’est rapproché du groupe ADVENTIS en reprenant la compagnie cotonnière DAGRIS, devenue GEOCOTON : le transporteur apporte ses grands capitaux, en échange le cotonnier remplit ses bateaux sur leur retour. La démarche fait école. MSC, l’autre géant  des conteneurs (Suisse, N° 2 mondial), a également compris l’intérêt du montage en s’associant avec NECOTRANS-GETMA, autre leader logistique régional. MAERKS, on le sait, (Danemark, N° 1 mondial) est présent à la fois sur les lignes maritimes et à terre dans les ports africains. DB WORLD, enfin (opérateur public de DUBAI), se rapproche actuellement de la compagnie de chemin de fer qui exploite la ligne Sénégal-Mali.

   Ce type de stratégie semble désormais indispensable aux vastes investissements entrepris sur les côtes africaines : « Le transbordement est un axe de développement pour l’Afrique, mais le mieux est de le coupler avec une logique de desserte d’une grande zone économique intérieure » (Dominique LAFONT, DG de Bolloré Africa Logistics).  

 

          L’intérêt que les grands opérateurs mondiaux portent au transport maritime sur les côtes du continent africain est l’un des indicateurs de la confiance que l’on peut accorder aux perspectives de croissance de la plupart des économies africaines, alors que la plus grande incertitude demeure dans le reste du monde sur les calendriers de sortie de crise.

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